Tuesday, April 22, 2008

Un autre bon coup de Line Beauchamp

Je vous laisse d'abord lire le communiqué:

"Projet de règlement sur le chauffage au bois
Pour une amélioration de la qualité de l'air et la santé des québécois

Montréal, le 18 avril 2008 – « Dorénavant, les poêles, foyers et autres appareils de chauffage au bois fabriqués ou vendus au Québec devront être certifiés ». C’est en ces termes que la ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Mme Line Beauchamp, a annoncé la publication pour consultation publique du Projet de règlement sur les appareils de chauffage au bois dans la Gazette officielle du Québec.

Ce projet de règlement vise à interdire, au Québec, la fabrication, la vente et la distribution d’appareils de chauffage au bois non conformes aux normes environnementales de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR) ou de l’United States Environmental Protection Agency (US EPA).

L’objectif de ce projet de règlement est d’assurer une protection accrue de l’atmosphère contre l’émission de particules causées par l’utilisation des appareils de chauffage au bois. « Il s’agit d’une étape essentielle pour minimiser l’augmentation des émissions polluantes reliées au chauffage au bois et à plus long terme, réduire ces émissions à mesure que les appareils polluants existants seront remplacés par les nouveaux modèles conformes », a déclaré la ministre Beauchamp.

Les appareils certifiés émettent jusqu’à dix fois moins de particules fines et trois fois moins d’autres contaminants que les appareils de chauffage conventionnels, lesquels sont responsables de plus de 40 % des particules fines émises dans l’atmosphère au Québec. En hiver, le chauffage au bois est le principal responsable des valeurs élevées de particules fines dans plusieurs quartiers résidentiels et, dans certains cas, du smog hivernal. « Le projet de règlement fait donc partie des outils que le gouvernement veut mettre à la disposition de la population pour changer cette situation et garantir une amélioration de la qualité de l’air et de la santé des Québécois », a ajouté Mme Beauchamp.

Pour les consommateurs, l’achat d’un poêle certifié procurera des économies pouvant aller jusqu’à quelques centaines de dollars par année, dépendamment s’il s’agit d’un chauffage d’appoint (30 % du chauffage total) ou du chauffage principal. Ainsi, l’excédent du prix à l’achat sera amorti, sur une période de deux à sept ans, par les économies de combustible. Par la suite, le poêle certifié permettra aux consommateurs de réaliser annuellement des économies.

Il est également important de noter que des activités de sensibilisation seront entreprises par le Ministère pour inciter les propriétaires d’appareils non conformes à changer leurs équipements et à se doter d’un appareil certifié.

Le projet de règlement est soumis à la consultation publique pendant une période de 60 jours. Il peut être consulté dans le site Internet du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.

Les personnes intéressées sont invitées à soumettre leurs commentaires par écrit, d’ici le 23 juin 2008, en les faisant parvenir à M. Michel Goulet, chef du Service de la qualité de l’atmosphère, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Édifice Marie-Guyart, 675, boulevard René-Lévesque Est, 6e étage, boîte 30, Québec (Québec), G1R 5V7.

Pour toute question relative au projet de règlement, communiquez avec M. Carol Gagné au numéro de téléphone 418 521-3813, poste 4594, par télécopieur, au numéro 418 646-0001 ou par courrier électronique, à carol.gagne@mddep.gouv.qc.ca."


C'est un autre bon coup de Mme Beauchamp. C'est une bonne politique du point de vue de l'observateur 'orienté résultat' pour les raisons suivantes:

  1. Elle ne limite pas le choix du consommateur; il existe de nombreuses solutions de substitution pour le foyer à bois traditionnel (foyer à bois à la norme EPA/ACNOR, au gaz, foyer de masse, etc.)

  2. Les solutions de rechange sont abordables (ou ont un retour sur investissement positif à relativement court terme)

  3. Les objectifs visés sont clairs et les résultats mesurables à moyen terme

  4. Le marché n'a pas réussi à atteindre ces objectifs de lui-même en temps opportun

  5. Il y a lien le plus direct possible entre la cible visée et le moyen utilisé

Pour les points 1 et 2, une recherche rapide sur Google vous permettra rapidement de valider ces affirmations: le retour sur investissement d'un foyer à bois à la norme EPA/ACNOR est d'environ 5 à 7 ans et les solutions de rechange sont nombreuses.
Les objectifs visés sont extrêmement clairs et d'ici quelques années, il sera relativement simple d'en mesurer les résultats.

Voyons maintenant ce qui en est des points 4 et 5. Regardons de prime abord les chiffres des émissions des principaux contaminants au Québec. Je ne m'attarderai qu'aux quantités absolues émises; les calculs d'intensité sont fallacieux parce qu'ils n'indiquent pas clairement les émissions totales de polluants. Si on prend une ville par exemple, et qu'on se réjouit que l'intensité des émissions des automobiles diminue, ça ne nous apportera rien de positif au point de vue environnemental si le nombre d'automobiles croît dans une proportion plus rapide. Heureusement, ce n'est pas le cas pour les principaux contaminants aériens; les émissions totales diminuent depuis 1990.


Par contre, lorsque l'on fouille de plus près, on se rend compte que l'agrégat cache des variations importantes selon la catégorie de l'émetteur de ces contaminants. Si on compare la variation des émissions de la catégorie 'Combustion non industrielle ' (qui comprend le chauffage au bois) a celle du transport (souvent blâmée pour tous les maux environnementaux nous affligeant), il est intéressant de constater les progrès importants faits, de 1990 a 2005, dans le domaine des Transports alors que le secteur de la combustion non industrielle voit ses émissions augmenter. En fait, "le nombre de logements dans lesquels on a recours au chauffage au bois a augmenté d’environ 60 % de 1987 à 2000. cette même période, l’augmentation du nombre de logements était de moins de 20 %" (MDEP).

Il y a plusieurs hypothèses qui peuvent expliquer que le marché n'est pas à lui-même produit une adoption naturelle de foyer plus efficace depuis l'arrivée de la norme EPA (la majorité des foyers à bois ne se conforment pas aux normes EPA), entre autres:

  • Le constructeur domiciliaire est bien souvent celui qui installe le foyer, mais son objectif est de minimiser le prix et ne sera pas celui bénéficiant du retour sur investissement à long terme

  • L'incitatif du retour sur investissement n'est pas assez grand pour que le consommateur en comprenne pleinement les avantages

  • Les consommateurs ne comprennent pas pleinement les risques associés à la pollution intérieure des habitations chauffées au bois avec un système non efficace. En fait, l'imagine traditionnelle est plutôt contraire; le feu de bois est associé au plein air et a la santé

Peu importe la raison, le fait est qu'il n'y ait pas d'indication d'un changement naturel de tendance à moyen terme. Ainsi, le projet de loi arrive à juste point.
À propos du point 5, "le lien le plus direct possible entre la cible visée et le moyen utilisé", c'est réussi: comme l'augmentation du chauffage au bois est la cause majeure de l'augmentation rapide de la production de contaminants de la combustion non industrielle, la mesure ne pourra qu'endiguer cette progression.


En terme de résultat à anticiper, je referre à cette étude de Statistiques Canada (2005):

http://www.ec.gc.ca/cleanair-airpur/909A7F9D-E381-42A3-BDB9-27A8DB5C4A00/Remplacement_poele_RWC_fran_26sept2005.pdf

Bien evalue les résultats du remplacement des poêles, foyers et foyers encastrés conventionnels par leur équivalent efficace sur le territoire entier du Canada, on peut probablement, sans trop se tromper, anticiper les résultats au Québec dans des proportions similaires (ci-bas).


(Remarquez toutefois que, selon les observations de l'étude, le chauffage au bois reste beaucoup plus polluant que le chauffage par tout autre type de combustible)

Ainsi donc, le ministère a bien fait son travail en proposant une réglementation qui viendra efficacement mitiger les effets négatifs d'une tendance lourde (la progression du chauffage au bois) sans s'aliéner les consommateurs.

Toutefois, pour augmenter son efficacité, la politique devrait être assortie de mesures incitatives pour la conversion des foyers à bois conventionnels existants.